Fabrique du Patrimoines de Normandie
Le monde du port

 

Marginella et Magic Star
Navires et marins abandonnés dans les ports normands

Monde du port
Le cargo Magic Star est resté immobilisé à Caen - sous le viaduc de Calix - pendant plus d'une année (2002-2003). à son bord, un équipage indien, puis roumain et un capitaine indien ont attendu la vente du cargo qui allait débloquer le paiement de leurs salaires.
 
Le Marginella, quant à lui est dans le port de Cherbourg depuis 2007. Ce bateau de pêche au thon a pris feu au large de Cherbourg. Une fois remorqué au port, le propriétaire du navire n'a pu s'acquitter des frais du sauvetage. Le capitaine russe demeure seul à bord.
 
Même si ces bateaux sont relégués le long de quais três peu fréquentés, les équipages croisent nécessairement un jour ou l'autre la route des acteurs portuaires. La barriêre de la langue se révêle alors fondamentale : le capitaine du Magic Star aura été un peu moins isolé que celui du Marginella car ce capitaine indien maîtrisait parfaitement l'anglais. On peut aussi s'aventurer à penser que les acteurs portuaires se sont davantage identifiés à ce marin de cargo qu'à un marin de bateau de pêche... Quoi qu'il en soit, le capitaine du Marginella s'avêre moins chanceux. L'incompréhension mutuelle mêne parfois ce capitaine russe à avoir des échanges rudes avec d'autres intervenants portuaires, les uns et les autres hurlant leur colêre lors de manœuvres communes, faute de pouvoir se comprendre.

Certains acteurs portuaires ont ponctuellement fait quelques gestes pour aider le capitaine du Marginella comme l'équipage du Diplomat notamment ou encore un lamaneur de Port de Cherbourg SAS qui lui apporte parfois à manger. L'équipage du remorqueur est le plus proche du Marginella. Malgré « une certaine culpabilité » à l'imaginer vivre dans de rudes conditions à bord de son bateau, malgré une envie de mieux le connaître et quelques tentatives pour l'aider, le peu de mots partagés n'a pas permis à l'équipage de créer de véritables liens.
 

Quinze mois d'escale contrainte sous le viaduc de Calix. Aperçu d'une rencontre
Philippe Auzou, commandant du port, a dû faire office d'intermédiaire entre l'équipage du navire et la CCI qui continuait à leur fournir le minimum vital : eau et électricité. Or, Philippe Auzou, au cours de sa carriêre de navigant, avait fait escale accompagné de son épouse dans des ports Indiens. Aussi, lorsque l'épouse du commandant indien l'a rejoint à bord du Magic Star, le couple Auzou a souhaité...
« leur faire découvrir un peu la France et leur montrer un visage de la France autre que celui qu'ils pouvaient avoir à Calix »

« à partir du moment où il y a eu son épouse, on s'est dit que pour elle quand même, ça va pas être marrant la vie, alors on leur a organisé un voyage à Paris, au Mont-Saint-Michel et puis en contre-partie on mangeait des currys formidables à bord, non, c'est vrai qu'on a essayé de les distraire ».

« Et puis ils ont rencontré nos proches, on leur a fait connaître des gens. Ils ont vu comment ça se passait dans une famille française ».

« Au 1er janvier, on leur avait tous offert un bol avec des chocolats dedans, des friandises, de façon qu'ils gardent un souvenir ».

« Quand sa femme est arrivée, ils m'ont offert un Ganesh, c'est un des fils de Chiva qui a une tête d'éléphant, un petit Ganesh en bois. C'est parce qu'on déménageait, c'était la premiêre chose qu'on devait mettre dans la maison : au début du déménagement avant d'amener les meubles, il fallait mettre Ganesh en premier, donc on a respecté ça » Pour la date du déménagement « il nous avait dit que c'était três bien et puis c'est vrai qu'on a eu un temps superbe. Et la premiêre chose qu'on a mis dans la maison c'est Ganesh ! »

« C'est pas tous les jours qu'on a ce contact là avec des marins étrangers. J'ai toujours des contacts avec lui, il m'a invité à Delhi, j'espêre bien y aller »
Les sept marins restés à bord dans le cadre de la conservation du navire ont enfin perçu leurs salaires en octobre 2004.
Les derniers jours durant lesquels le navire a séjourné dans le port de Caen, seul le capitaine Indien était encore à bord, le reste de l'équipage était composé de marins roumains. Lorsque l'équipage était encore composé de marins indiens, un agent consignataire s'est aussi lié d'amitié avec le cuisinier, rompant ainsi également la solitude de l'équipage.